Almarena� : La gen�se d�une typographie d�agence, entre ma�trise technique et qu�te d’identit�.

Quand une idée devient une mission identitaire !

Nous sommes en 2020. Almarena, une agence créative, en pleine refonte de son identité visuelle, cherche une manière de se distinguer, de projeter sa personnalité de manière forte et singulière. L’idée est simple : pourquoi ne pas donner naissance à une typographie exclusive, qui incarnerait non seulement le style graphique d’Almarena, mais aussi l’âme de son équipe et de son travail ? À la fois empreinte de sobriété et de subtilités esthétiques, cette police de caractères pourrait symboliser, dans chaque tracé, l’essence même de ses valeurs.

Le projet de cette typographie que vous connaissez bien est né ainsi, d’un besoin de singularité, et allait nous occuper pendant plusieurs mois. Jusqu’ici, nous utilisions deux typographies : une principale, une serif, coupée à une secondaire, une monospace. La décision est prise. Nous allons la remplacer par une version maison, et loin de l’identité en place : Ce sera une linéale ! Et, ça tombe bien, puisque Jérémie avait déjà une passion marquée pour la typographie. Un déclic. Mais au-delà d’une simple lubie créative, l’agence voulait créer quelque chose d’authentique, de professionnel, capable de se fondre dans des projets variés tout en marquant les esprits.

Inspirations et influences, piochées dans des références célèbres.

Pour imaginer cette typographie signature, il fallait se plonger dans un univers d’influences précises et soignées, en tirant inspiration de références comme la Helvetica et la Helvetica Neue. Ces polices iconiques, intemporelles, apparaissent comme des balises : elles incarnent la clarté, la lisibilité et la polyvalence qui sont, pour l’agence, des impératifs à inclure absolument dans le processus de création.

Pourtant, il ne s’agit pas de copier un style classique. L’équipe voulait ajouter un twist, insuffler une pointe de modernité, une touche distinctive qui ferait de la “Almarena” une typographie unique.

Jérémie et Romain, les architectes de cette aventure, se répartissent les tâches : Romain réfléchit à l’usage et à l’émotion véhiculée par la police, anticipant les usages et les besoins, prenant une avance sur le temps pour prédire la tendance ; alors que, Jérémie se plonge dans l’esthétique, se consacre aux détails graphiques, aux courbes subtiles, aux traits caractéristiques. Des regards et points de vue différents qui permettront à l’agence d’adopter une identité qu’elle ne lâchera plus et qui, encore aujourd’hui, lui correspond parfaitement.

Pixel par pixel, tout se fait.

La création débute directement sur ordinateur, via Illustrator. Pas de croquis papier, pas d’esquisses préparatoires : Jérémie a choisi de se lancer dans le vif du sujet, pixel par pixel, trait par trait, sur son écran. La création commence avec les lettres les plus complexes – ces lettres au caractère bien trempé, aux attentes sévères, comme le “k”, le “x” et le “s” – qui, par leurs formes distinctes, donneront le ton général de la typographie. Rondeur, intransigeance… On cherche à établir une cohérence d’ensemble, à dénicher des détails subtils, inattendus, pour une typographie unique.

Dès le départ, le souhait était de créer plusieurs graisses – light, regular et bold – pour répondre à différents besoins et s’adapter à des contextes variés. La graisse “regular” sert de fondation, fixe les proportions et établit une base solide sur laquelle les autres styles pourront évoluer. Chaque graisse est créée en ajustant des détails pour maintenir une harmonie visuelle dans toutes les versions. On prépare aussi une “Display”, également pensée pour des utilisations plus expressives, avec une pointe de personnalité supplémentaire.

Une mise au point technique.

Une fois les bases esthétiques posées, le projet entre dans une phase technique plus approfondie. Pour concevoir et ajuster cette typographie, Jérémie utilise Fontself, un plugin intégré à Illustrator, qui permet de convertir des créations vectorielles en police utilisable. Mais créer une typographie de cette qualité demande bien plus qu’un simple plugin ; c’est un travail d’orfèvre, où chaque lettre, chaque trait, chaque espace entre les caractères compte.

La lisibilité est un critère de premier ordre. Jérémie doit penser à chaque détail optique, ajuster les courbes et équilibrer les proportions pour offrir un rendu visuel parfaitement homogène et élégant. Ce n’est pas qu’une affaire de vision globale ; il s’agit d’accorder une attention minutieuse à des détails comme l’inclinaison d’un trait ou la rondeur d’un contour. Au fil des essais, il va perfectionner les lettres qui posent des défis particuliers, comme le “g” et le “s” (eh oui, encore lui). Ces lettres, aux formes généreuses et aux traits affirmés, deviennent des éléments distinctifs, apportant un caractère unique à cette typographie.

Almarena se met au défi !

Au vu du succès rencontré par notre mascotte et des retours enthousiastes, l’agence décide de franchir une étape supplémentaire 3 ans plus tard : transformer cette typographie en une version variable. L’intérêt d’une typographie variable est simple mais révolutionnaire : elle permet de moduler les graisses et les angles, offrant une flexibilité sans précédent. Au lieu de créer des styles distincts, une typographie variable permet d’ajuster le caractère de manière fluide, d’une finesse extrême à un bold marqué, en passant par une inclinaison réglable.

Mais cette transition représente aussi un défi technique majeur. Jérémie décide d’utiliser Glyphs, un logiciel professionnel spécialisé dans la création de typographies, et suit une formation poussée de Studio Wete sur Domestika (voir la formation) pour se familiariser avec chaque ruse du logiciel, qui nous a réservé de petites surprises. On repense à notre “i” et notre “l” qui refusait, au départ, de suivre les variations et les graisses. De longs instants de questionnement pour trouver qu’il suffisait, finalement et “simplement”, d’ajouter quelques points intermédiaires aux formes de départ. Cette maîtrise est essentielle pour garantir des transitions parfaites entre les différentes épaisseurs et pour s’assurer que la typographie reste cohérente.

Cette version variable apporte une liberté nouvelle à la “Almarena”. Désormais, la typographie peut s’adapter à chaque contexte, chaque support, chaque projet. Elle devient un outil puissant, capable d’épouser les besoins des utilisateurs tout en conservant son caractère unique.

Une signature graphique lettrée.

Aujourd’hui, la Almarena est devenue le visage de l’agence, un symbole qui incarne sa philosophie, sa diversité et sa capacité d’adaptation. Comme nous, elle est faite pour évoluer et s’adapter, tout en préservant une unicité et un style reconnaissable. Elle trouve sa place dans des contextes variés, des logos aux affiches en passant par les supports de communication digitale, preuve de sa polyvalence et de sa modernité.

En interne, on voit en elle le reflet de notre équipe elle-même : une typographie capable de tout, d’aborder les projets les plus techniques comme les plus créatifs, de s’intégrer aussi bien dans des univers de marques de sport que dans des projets institutionnels ou médicaux. C’est un outil de travail, mais c’est aussi une source de fierté, un emblème d’un savoir-faire construit sur mesure. Et, nous sommes les premiers surpris. Cette typographie n’était, au départ, même pas destinée à la vente. Aujourd’hui, on vous voit utiliser notre création, notre bébé, vous l’approprier dans vos projets, la transformer, la transcender.

Les conseils du créateur : L’importance de l’audace, du détail et de l’humilité.

Fort de cette expérience, Jérémie partage son savoir avec les jeunes créateurs en quête de projets similaires. Son conseil : ne pas attendre la perfection pour se lancer, mais expérimenter, tester et ajuster au fil du temps. Selon lui, chaque typographie doit être dotée d’une personnalité propre ; elle doit être pensée comme une entité à part entière, avec une cohérence. C’est une composition complète.

Pour lui, l’essence même d’une typographie réside dans le choix des détails, dans ce petit rien qui confère à un caractère toute son authenticité. Inspiré dès ses études par les grands maîtres suisses de la typographie et les collections de sites comme Behance et Pinterest, il a toujours cherché à comprendre ce qui fait d’une typographie un outil intemporel. La Almarena est un peu l’aboutissement de cette quête, un projet mûri, réfléchi, mais aussi vivant, toujours en évolution.

Un projet d’étude comme déclencheur.

La passion de notre créatif pour l’art typographie n’est pas nouvelle. Elle remonte à un projet d’étude qui a marqué, à jamais, sa vision sur l’importance d’un glyphe efficace. Ce devoir éditorial, pour lequel la création d’un alphabet complet était obligatoire, lui a montré le fonctionnement d’une police de caractère. À l’époque, il va pousser son idée et intégrer sa toute première création via Fontographer. “Oldschool” dites- vous ? Peut-être un peu ! Quand il publie sa typographie en open-source, gratuite pour tout usages, les retours sont nombreux, et élogieux. Alors, c’était le moment de se lancer. Sa spécialité était toute trouvée.

Ce qu’il aime par dessus tout, c’est la recherche, les prémices, ce moment où tout est possible, où les limites techniques ne sont pas un frein, où la difficulté est une source d’inspiration. La suite, le développement, est plus redondant, “un peu moins fun”, comme il nous l’explique.

Le paysage typographique actuel.

Aujourd’hui, on voit énormément de nouvelles typographies. Beaucoup se ressemblent, peu se démarquent. Et, entre plagiat et inspiration, la frontière est souvent fine et abstraite. Ce qui est sûr, c’est que, lorsque la limite de la copie n’est pas dépassée, l’influence a du bon. “Une Arial, ce n’est ni plus ni moins qu’une Helvetica copiée et peu retouchée. Si on les superpose, elles sont très similaires, voire quasi identiques. Pourtant, on ne les compare jamais, on ne les relie pas entre elles.”

Ce changement dans le paysage typographique est surtout une tendance qui force l’exigence envers soi- même. Si c’est accessible, et que tout le monde se lance, alors il faut être encore meilleur pour amener son travail au sommet de la perfection.

Et pour Jérémie, si une fonderie, si des créateurs, ont bien compris ce défi très actuel, ce sont bien Violaine & Jérémy (coïncidence ?). Une “Kobe”, une “Voyage”, c’est l’élégance, l’originalité, la lisibilité… L’ÉQUILIBRE. Voilà un bel exemple de la perfection typographique selon lui. Et, on peut difficilement le contredire !

Un projet typographique qui a dépassé le simple outil.

En fin de compte, la “Almarena” est bien plus qu’une typographie. C’est l’incarnation graphique de l’identité de l’agence, un symbole de ses valeurs, de son expertise et de sa capacité d’adaptation. Aujourd’hui, cette typographie est une signature, un langage visuel qui reflète notre vision, notre créativité et notre souci du détail.

CITATION

Si tu devais trouver une phrase qui qualifierait la typographie “Almarena”, quelle serait cette phrase ?

"Je dirais la fameuse citation «Less is More», de Ludwig Mies van der Rohe (principe qui émerge de l'idée que la simplicité et la clarté mènent à un bon design). Almarena est une typographie qui se veut simple, lisible et moderne, avec juste une touche d’originalité qui la rend unique. Mais rien de superflux, pas de fioritures, juste le nécessaire, ce qui, je pense, en fait sa force et la rend si intemporelle et polyvalente dans son usage."